LA TAILLERIE DE BELLEFONTAINE (JURA) |
par Cécile Agu |
M. Gilbert Duraffourg, lapidaire et diamantaire depuis trois générations, nous a ouvert les portes de son atelier. Il commence par nous expliquer pourquoi dans ces petits villages du Jura, 8000 lapidaires et 4500 diamantaires travaillaient ente 1870 et 1880 - En 1500 environ, la Suisse est le berceau de l’horlogerie et emploie de nombreux lapidaires pour tailler des rubis synthétiques montés sur des montres. - La guerre entre les catholiques et protestants fait fuir ses derniers dans le Haut Jura, côté français. Les horlogers et les lapidaires se sont donc installés à proximité de St Claude car le débit de la rivière peut faire tourner les meules. - Les agriculteurs se sont mis à tailler pendant les hivers rigoureux . Les lapidaires, dont son grand-père et son oncle, améliorent et inventent des outils (l’évention, le tableur et l’étume ?mécanique) et exportent leur savoir-faire dans le monde. Ils sont réputés jusqu’en Russie. Vers 1800, ils partent livrer leurs pierres à cheval à Paris en prenant tous les risques sur les routes incertaines. Ils sont souvent pillés et organisent des convois en groupe. Les conditions de travail sont rudes : à la chaîne souvent, ils ne savent que coller ou exécuter une partie des tâches. M. Duraffourg a commencé à l’âge de 13 ans par passer un CAP puis 10 ans pour apprendre à tailler. Aujourd’hui, il ne reste plus rien car ils ont tous partis à Bangkok où la main d’œuvre est servile. La taille de 33 facettes avec 33 ° et 41° pour les diamants est très précise et les diamantaires visualisent ou font tourner la pierre entre le pouce et l’index pour juger rapidement; ils ont une grande aptitude à détecter les erreurs. Cette taille optimale permet de mettre en avant la brillance. Avant 1919, la taille ancienne est très culassée car elle avantage la vente au poids. On coupait la culasse pour la colette afin de mieux la placer dans la monture( qui serait trop haute). Ce n’est pas toujours rentable car à 500 € le carat pour retailler, les personnes préfèrent se séparer de leur ancienne pierre ou la garder.
La région de St Claude a compté jusqu’à 12500 personnes qui a travaillé dans la taille des pierres et des pipes, ce qui est important pour une petite région. Un diamantaire gagnait 7 fois plus qu’un professeur mais devait se payer son apprentissage, il était payé à la pièce, c’est-à-dire que s’il perdait un diamant, il devait le payer. La légende des opales qui porte malheur remonte à l’époque où le lapidaire prenait des risques énormes à monter des opales si fragiles, souvent elles se cassaient et ils n’étaient pas payés.
1870-1880 : on invente le bâton pour coller les pierres. Au début en bois, il est aujourd’hui en aluminium, plus léger et durable. On colle la pierre avec de la cire inventée à St Claude, très dure, ne collant pas aux doigts et pourtant la pierre tient très bien. On la chauffe sous la lampe à alcool doucement, elle tient mieux sur le bois que sur l’alu ; car si on éteint le chauffage par exemple en quittant l’atelier, la différence de température fera que les pierres se décolleront. Cette cire est même réutilisable, si on ne la brûle pas, c’est pourquoi, M Duraffourg la réutilise. Avant de coller, le lapidaire cherche à placer la couleur, comment obtenir la meilleure couleur avec la plus grosse taille. Pour gagner du temps, on utilise un étui métallique, ou gabarit pour former la pierre. Tous les outils sont diamantés, la poudre de diamant peut-être soit synthétique, soit naturelle, on ne sent pas la différence, elles peuvent être plus ou moins fines selon les supports des meules et mélangées à des huiles. Le tableur, inventé par Léandre Birmot, permet de placer la pierre dans l’axe perpendiculaire pour commencer la taille de la table ;viennent ensuite, les 2 plats, 2 dentelles et 16 clôtures ou haléfis pour les diamants. Les angles sont différents pour chaque pierre. L’étui à 8 côtés. L’évention graduée permet de tailler les facettes en suivant des angles définis. Pour le polissage, on recommence en changeant de disque ; les plats puis les dentelles, les clôtures et la table. Il utilise la colle cyanolit : rapide mais moins forte, ou la rialit plus forte pour coller les pierres au bijou. On retourne la pierre pour faire la culasse après le polissage car on ne retrouve plus exactement les angles une fois décollé du bâton. De même pour les lames, elles correspondent aux meules à polir ; on fait des hachures plus ou moins fines et aiguisées pour que le poudre de diamant mélangée à l’huile tienne. Pour le diamant, il faut compter tout de même 10h quelque-soit la taille, c’est très long et le diamant est poli quand la taille est terminée ; c’est la même opération. |
© Laboratoire de Gemmologie Marseille 2004-2007 © Cécile Agu, FGA diplôme |